mardi 10 juin 2008

J'ai longtemps hésité...et puis c'est devenu une évidence...


5 mois après le décès de ma grand-mère, je me décide à mettre sur le blog le texte que j'ai écrit pour lui rendre hommage et saluer sa mémoire. J'ai lu ce texte, tant bien que mal, à sa messe d'enterrement.
Le jour même où j'ai appris son décès, j'ai écrit frénétiquement, tout ce qui me passait par la tête, tout ce qui me faisait penser à elle.
Je la sens toujours présente autour de moi, et je garde au creux du coeur tout ce qu'elle m'a transmis jusqu'à aujourd'hui. S'il y a un Dieu, quelque part, qu'il lui dise combien je l'aime.

Le 07 Janvier 2008, un tunnelier a fait une percée dans les nuages du Calaisis pour ouvrir à Denise Duclay, née Grassien, un petit coin de paradis. Après plus de 89 années de pieux forage, c'est sûrement avec son enthousiasme habituel qu'elle a découvert des paysages "de toute beauté", comme elle disait. Quand nous partions en voyage, elle nous demandait le programme pour nous "suivre" à distance au jour le jour. A nous aujourd'hui de la suivre.

Les voyages Courtaud reprennent du service. Dans l'autocar en route vers là-haut, elle s'est assise juste derrière le chauffeur, pour pouvoir lui demander quelques haltes, histoire de sortir son appareil photo du vieil étui noir et réaliser quelques clichés à faire agrandir. Souhaitons qu'elle ait pour guide Sainte-Thérése de Lisieux, qui l'a toujours accompagnée dans ses prières sur les chemins de la vie.
Dans son voyage organisé par les instances divines, le comité d'accueil sera assuré par ceux qu'elle aime : ses parents, son mari, ses frères, son beau-fils. Avec leur aide, elle va aménager son coin de Paradis, que je vais tenter de vous décrire.

Dans la rue, il y a une église, un salon de coiffure, un café qui ne désemplit pas. Il y a une petite école où les enfants du Cours Préparatoire apprennent à lire avec Rémy et Colette. Elle leur expliquera qu'en se battant, on réussit toujours. Que l'échec n'est pas une fatalité. Elle leur fera aimer les animaux : chiens, chats, ânes, poules et j'en passe.
Dans la maison, il y a un porte-manteau avec une fourrure et un béret. Il y a au mur les photos de mariage de ses enfants. Il y a une grande bibliothèque où s'entassent des livres commandés chez Sélection du Reader's Digest; les trésors du Monde sur papier glacé.
Sur la table, les courriers des amis fidèles, les factures à payer, les "réclames" du supermarché, les catalogues des maisons de Vente par Correspondance. Nous gardons tous chez nous un article de Vitrine Magique à l'utilité superflue mais essentielle à nos yeux : une calculatrice – convertisseur – radio – réveil, un Père-Noël chantant, une friteuse miniature, une poupée mécanique… Nous penserons toujours à elle en regardant ces objets.
Et puis il y a un calendrier de la Poste. Le facteur n'avait que des chats cette année. Elle a réussi à avoir un chien. Parce qu'elle le voulait. Cette volonté d'obtenir ce qu'elle voulait, jusqu'à l'entêtement parfois, je crois qu'elle nous l'a transmise.
Il y a sur un meuble des disques où se côtoient musiques sacrées, vieux succès français, opéras et chansons en patois. Elle aime surtout la musique qui parle à l'âme. Aux anges, elle impose silence pour entendre cette musique jusqu'au fond du cœur.
Il y a un jardin où elle fait des boutures.
Il y a une cuisine où chaque 24 décembre, elle continuera de cuisiner le plum. On éteindra la lumière et on versera du rhum dans le cratère. Des flammes bleues jailliront et mettront des étoiles dans nos yeux, comme au temps des Noëls de notre enfance.
Et puis il y a une télévision qui retransmet des matchs de foot, des messes, des concerts au Nouvel An, et des épisodes de "Plus belle la vie".

Avec tout son univers, elle fait en sorte que la vie soit plus belle, justement. Elle ouvre sa porte à tous. Elle avait le cœur fidèle. Ses employés faisaient partie de sa famille : le dévouement de Piti, la chaleur de Nadège, la disponibilité de Monique, dont elle nous parlait souvent, les éboueurs à qui elle offrait un verre pour se réchauffer. Elle avait l'habitude de glisser en douce dans un coin de nos valises des boites de conserves, des bouteilles, des cadeaux, que nous découvrions avec surprise une fois rentrés chez nous.
Elle avait ses passions, ses dégoûts, ses trucs à elle, ses astuces, ses "recettes de grand-mère". Si vous avez un rhume, pensez à ce conseil qu'elle nous prodiguait chaque fois comme pour la première fois : "Trempe un gant de toilette dans de l'eau bien chaude et pose-le sur tes sinus. Fais ce que je te dis ! Tu verras, ça ira mieux!"
Aujourd'hui, je crois que nous devrions tremper ce gant dans l'eau chaude des souvenirs et de son amour, et l'appliquer sur nos peines.

Je veux croire qu'elle va continuer à veiller sur nous tous, comme elle l'a toujours fait. Sa famille, c'était sa plus grande fierté. Elle disait à qui voulait l'entendre qu'elle avait 14 arrière petits-enfants. Un exploit ! Elle suivait le parcours de chacun d'entre nous avec le même intérêt, avec le même amour. Elle nous appelait Gamin, Fieu, M'file. On l'appelait Maman, Ma Tante, Manise, Mémé, Déda.

Aujourd'hui, elle nous réunit pour nous rappeler d'où nous venons, où sont nos racines. Tandis que les branches de la famille continuent de pousser, faisons en sorte que notre arbre soit solide. C'est certainement le plus bel hommage que nous pouvons lui faire.
Gardons dans un coin de notre mémoire les souvenirs heureux que nous partageons avec elle, les histoires qu'elle nous racontait, accompagnons-la avec joie dans sa nouvelle vie qui commence, et faisons vivre, tel en haut, tel en bas, son petit coin de Paradis.

5 commentaires:

Aileen a dit…

Je voulais dire que je n'ai rien à ajouter, c'est "tellement"...

Sandra a dit…

Qu'elle aille dire bonjour à ma grand-mère là haut, elles sont du même coin et vu comment tu décris ta tienne, elle risque de bien s'entendre avec ma mienne!
Bravo Tibo pour ce texte, mais ça ne m'étonne pas.

Grande-Dame a dit…

Voilà un magnifique hommage à votre grand-mère. Elle semblait une dame de fort grande qualité et vous, votre plume...touchante à souhait.

alexandra a dit…

je voulais te dire que ton texte était trés beau, du moins la partie que j'ai déjà lu, car je suis au boulot et faut pas que je me mette à pleurer devant les collégues... les larmes montent trop vite
bisous

Anonyme a dit…

Jolie plume cher Tibo.
Très touchant.